ENJEUX MONDIAUX

La diffusion des espèces exotiques envahissantes

Les introductions d’espèces ne sont pas un phénomène récent. Depuis les cinq derniers siècles, à cause de la levée des barrières géographiques liée aux progrès des transports, un grand nombre d’espèces végétales et animales a été introduit par l’homme, volontairement ou accidentellement, dans tous les écosystèmes du monde. Mais avec la mondialisation de l’économie, le développement des moyens de transports et des flux de marchandises, les déplacements et les introductions d’espèces se sont considérablement accélérés. Aujourd’hui, du nord au sud, tous les pays sont concernés par le phénomène des invasions biologiques.

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L’introduction d’une espèce peut être réalisée via un grand nombre de vecteurs. Les introductions d’espèces ont été pour la plupart volontaires (horticulture, foresterie, chasse, pêche) et continuent parfois de l’être (nouveaux animaux de compagnie). Mais de plus en plus, elles sont accidentelles, par exemple par le fret maritime et aérien, les eaux de ballast, les semences contaminées, les importations de matériaux de construction, etc.

Principales voies d’introduction d’espèces 

Introductions volontaires Introductions involontaires
Introductions directes dans l’environnement Introductions après culture ou captivité
Agriculture
Foresterie
Horticulture
Élevage
Lâcher de poissons
Lâcher de mammifères
Chasse
Contrôle biologique
Amélioration des sols
Développement agricole
Évasions de jardins botaniques
Jardins privés
Jardineries
Zoos
Élevages d’animaux
Apiculture
Aquaculture
Aquariums
Nouveaux animaux de compagnie
Unités de recherche
Fret maritime et aérien
Eaux de ballast
Coques des navires
Véhicules personnels
Engins de transport et de construction
Denrées agricoles
Semences
Matériaux de construction (terre, gravier, sable…)
Bois
Matériaux d’emballage
Déchets

Des conséquences négatives importantes

La plupart des espèces exotiques ne deviennent pas envahissantes et ne provoquent pas de problèmes dans leur nouveau milieu. Certaines sont même utiles et de nombreuses activités économiques comme l’agriculture ou la foresterie en dépendent. Cependant, un certain nombre d’entre-elles deviennent envahissantes et sont la cause d’impacts majeurs à plusieurs niveaux : écologique, économique et sanitaire.

Au niveau écologique :
D’après l’évaluation des écosystèmes du millénaire (PNUE, 2005), les espèces exotiques envahissantes sont reconnues comme l’une des principales causes d’érosion de la biodiversité mondiale. Selon la Liste rouge mondiale de l’UICN, elles menacent 32 % des oiseaux, 30 % des amphibiens, 20% des reptiles, 17 % des mammifères terrestres et 15% des mollusques inscrits dans les catégories d’espèces menacées. Elles constituent ainsi la troisième pression pesant sur les espèces menacées au niveau mondial après la destruction des habitats et la surexploitation des espèces.

Les impacts de ces espèces sont particulièrement importants dans les îles où elles sont considérées comme la principale cause d’extinction d’espèces et de transformation des écosystèmes.

Les impacts écologiques sont diversifiés, parfois subtils et difficiles à quantifier, et souvent irréversibles. Les espèces exotiques envahissantes peuvent agir :

– au niveau des processus écologiques, en altérant le fonctionnement des écosystèmes et les relations entre les organismes vivants et leur milieu ;

– au niveau de la composition des écosystèmes, en causant la régression ou l’extinction d’espèces indigènes ou endémiques, par compétition, prédation, introduction de nouveaux pathogènes ou, plus rarement, par hybridation.

Au niveau économique :
Les espèces exotiques envahissantes peuvent affecter les activités économiques. De nombreux insectes ravageurs introduits, des rongeurs, ou des maladies sont connus pour réduire le rendement des récoltes voire même les détruire. L’envahissement des prairies par des mauvaises herbes peut porter préjudice aux activités pastorales. Le déversement des eaux de ballasts des bateaux déplace à travers le monde un grand nombre d’organismes aquatiques néfastes, y compris des maladies, des bactéries et des virus.

Aux coûts directs, il faut ajouter ceux liés à la lutte et ceux, plus difficilement estimables, affectant les services rendus par les écosystèmes. Les activités touristiques par exemple peuvent pâtir considérablement des espèces exotiques envahissantes. Une étude réalisée aux États-Unis a estimé à 137 milliards de dollars par an le coût économique d’un ensemble d’espèces exotiques envahissantes (1). Au niveau mondial, le coût minimal annuel des insectes envahissants a été évalué à 69 milliards d’euros (2). En Europe, une première estimation a permis de situer leurs coûts annuels entre 9 et 12 milliards d’euros (3). Si les impacts économiques sont bien réels, ils restent toutefois peu documentés en France et en outre-mer.

Au niveau sanitaire :
Les espèces exotiques envahissantes peuvent également constituer un problème de santé publique lorsqu’elles causent des allergies ou qu’il s’agit d’agents infectieux. D’autres espèces introduites, notamment parmi les insectes, peuvent être vectrices d’agents pathogènes menaçant la santé des populations humaines ou animales.

(1) Pimentel, D. (2002). Biological invasions. Economic and environmental Costs of Alien Plant, Animal, and Microbe Species. David Pimentel Eds.
(2) Corey J.A. Bradshaw, Boris Leroy, Céline Bellard, David Roiz, Céline Albert, Alice Fournier, Morgane Barbet-Massin, Jean-Michel Salles, Frédéric Simard & Franck Courchamp. (2016).Massive yet grossly underestimated global costs of invasive insects. Nature Communications. 4 octobre 2016.
(3) Kettunen et al., (2008). technical support to EU strategy on invasive species (IS) – Assessment of the impacts of IS in Europe and the EU (final module report for the European Commission). Institute for European Environmental Policy (IEEP), Brussels, Belgium. 40 pp.+ annexes.

Une indispensable action internationale

Le recours à la coopération internationale, régionale et transfrontalière pour développer des approches communes de prévention et de gestion des espèces exotiques envahissantes fait aujourd’hui l’objet d’un consensus général.

La Convention sur la diversité biologique demande clairement aux parties contractantes de maîtriser les introductions d’espèces qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces indigènes, mais également de les contrôler ou de les éradiquer (art. 8h). L’élaboration de stratégies et de plans d’action, avec comme principes directeurs la prévention des introductions, l’éradication et le contrôle sur le long terme (si l’éradication est impossible) est une priorité.

Les Parties à la Convention sur la diversité biologique ont adopté en 2010 à Nagoya, au Japon, le Plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité. Ce plan comprend 20 objectifs ambitieux, nommés “Objectifs d’Aichi”.

L’objectif 9 prévoit notamment que d’ici à 2020, les espèces exotiques envahissantes et les voies d’introduction sont identifiées et hiérarchisées, les espèces prioritaires sont contrôlées ou éradiquées et des mesures sont mises en place pour gérer les voies de diffusion, afin d’empêcher l’introduction et l’établissement de ces espèces.

 

A l’échelle européenne, une première stratégie contre les espèces exotiques envahissantes a été adoptée en 2004 dans le cadre de la Convention de Berne. La Commission européenne a publié en 2008 une communication intitulée “vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces envahissantes”. Pour répondre aux engagements pris à Nagoya, la Commission européenne a publié en 2011 sa stratégie à l’horizon 2020 pour enrayer la perte de biodiversité sur son territoire et dans laquelle est repris l’objectif 9 des “Objectifs d’Aichi” sur la maîtrise des espèces exotiques envahissantes.

Depuis le 1er janvier 2015, l’Union européenne est dotée d’un règlement relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes. Ce règlement  vise à instituer un cadre d’action destiné à prévenir, à réduire au minimum et atténuer les incidences négatives des espèces exotiques envahissantes sur la biodiversité et les services écosystémiques, ainsi que les dommages socio-économiques.

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