Conclusions du projet REMMICoM, quelles nouvelles techniques pour réguler les iguanes communs en Martinique ?
Contexte
Dans le cadre du Plan national d’action pour la préservation de l’iguane des petites Antilles et du PLIC (Plan de lutte contre l’Iguane commun), plusieurs mesures de gestion de l’iguane commun (ou iguane rayé) Iguana iguana, sont mises en œuvre en Martinique depuis 2018. Cependant, au regard de l’expansion très importante de cette espèce et de ses impacts actuels sur l’île, un besoin d’amélioration des pratiques pour augmenter le nombre de captures et permettre à davantage d’acteurs de contribuer à la lutte était exprimé par les acteurs locaux. Dans ce contexte et dans la continuité des actions déjà en place, le projet REMMICoM (Régulation Multimodale de l’Iguane commun en Martinique) a exploré la faisabilité et l’efficacité de nouvelles techniques de captures dans différents contextes.
Développé par le bureau d’étude Aquasearch en partenariat avec l’Office National des Forêts de Martinique et la DEAL Martinique, REMMICoM a été financé par l’ensemble de ces structures en complément de la dotation du Ministère de la Transition Écologique dans le cadre de l’appel à projets « Coup de Poings EEE 2022 ». Lancé en 2023 et prévu pour une durée de 3 ans, ce projet s’achève en cette fin d’année 2025.
Sites d’expérimentation
Le projet a été mise en œuvre dans un premier temps sur les communes de Fort-de-France et Schoelcher, soit les zones à proximité du lieu d’introduction initiale de l’espèce. Puis des expérimentations ont eu lieu en complément sur la commune du Carbet pour la dernière année. Ces trois secteurs ont été choisis car présentent des densités d’iguanes parmi les plus importantes de l’île et proposent une mosaïque représentative des différents contextes fonciers à considérer pour la gestion de cette EEE (milieux urbains, péri-urbains, littoral, zones boisées, domaines publics et privés…).
Techniques expérimentées
Utilisation de « manchons anti-iguanes » pour faciliter les captures à la canne

1-Manchon anti-iguane © N. Duporge
L’objectif de cette technique était d’empêcher les iguanes de grimper dans les arbres en zones boisées ou semi-urbaines en enveloppant les troncs d’un matériaux lisse (Fig. 1). Les iguanes ainsi contraints de rester au sol étaient ensuite capturés à l’aide de cannes à collier (technique la plus utilisée dans les caraïbes). Au total, sur les trois années du projet, 156 iguanes ont pu être capturés grâce aux manchons installés sur les arbres. Ce dispositif peu coûteux a ainsi bien permis l’exclusion des iguanes et leur capture. C’est un outil adapté pour capturer des iguanes dans des zones à fortes densités d’individus, faciles d’accès à pied et arborées. Il reste toutefois soumis aux risques de dégradation et nécessite in fine un couplage avec la capture à la canne des individus.
Tir à vue
Le tir à vue, sécurisé selon le protocole établi par l’Office Français de la Biodiversité en 2023 mais complexe à utiliser suivant les secteurs et la fréquentation du public, peut toutefois constituer une alternative tout à fait intéressante lorsque l’accessibilité des individus les rendent impossible à une capture manuelle à la canne (Fig. 2). Grâce au projet, des critères d’éligibilité au tir ont été définis (trajectoire contrôlable, visibilité de la tête des iguanes, recul possible entre 5 et 15m, accès foncier, possibilité de récupérer les iguanes tirés). Ces critères ont par la suite servi à élaborer une cartographie des zones adaptées au tir. Des opérateurs ont été formés à cette technique et une carte interactive des lieux de tirs autorisés est consultable depuis Google map grâce à un QR Code, pour guider les interventions (Fig. 3). Entre 2024 et 2025, 78 iguanes ont été mis à mort grâce au tir à vue. Cette technique s’est avérée très efficace et peu couteuse en temps par rapport aux captures à la canne. Elle reste toutefois dépendante des contraintes de sécurité des sites éligibles, du bon vouloir des gestionnaires des espaces concernés et soumise à la perception du public.
![]() 2- Opération de tir à vue © N. Duporge |
![]() 3- Carte des zones éligibles au tir à vue – Source : C. Ferrandez |
Piégeage

4- Piège à battants © I. Laval
Le piégeage des iguanes était auparavant peu expérimenté et l’un des objectifs du projet était de tester une modalité de capture passive dans les espaces urbains, littoraux, portuaires, au pied de falaises et dans les espaces privés. Quatre sites ont été sélectionnés pour expérimenter cette technique et des « pièges à battants » appâtés ont été conçus pour être adapté au gabarit des iguanes (Fig. 4). Un suivi par caméra à détecteur de mouvements complétait le dispositif afin d’effectuer une analyse du nombre d’iguanes observés en fonction de la distance aux pièges. Au total, 31 iguanes ont été capturés grâce à cette technique sur les 543 observés sur les sites de piégeage. Cette technique peu couteuse peut être préconisée lorsque les captures à la canne et le tir ne sont pas possibles. Toutefois elle implique une mobilisation rigoureuse des opérateurs pour la relève quotidienne des pièges et leur appâtage, pour une efficacité variable selon les sites.
Plusieurs techniques pour différents contextes, soit une gestion adaptative et intégrée de l’Iguane commun
Comme la plupart des EEE, l’iguane commun a la capacité d’occuper une grande diversité de niches écologiques. Or, pour différentes raisons (accessibilité, autorisations, vulnérabilité des milieux gérés…), une seule technique ne peut que très rarement, si ce n’est jamais, être utilisée partout où l’EEE cible est présente. Le développement de protocoles intégrant différentes modalités de gestion est donc essentiel pour optimiser les chances de succès de la lutte et permettre à différents publics d’y participer. Ainsi, en réponse à ce constat, le projet REMMICoM propose désormais un arsenal d’outils, accompagné de fiches techniques afin de faciliter la réplicabilité des différents protocoles selon les contextes.
Consulter les trois fiches techniques :
Perspectives
La mise en œuvre du PNA actuel pour la préservation de l’iguane des petites Antilles s’achève prochainement et ces nouvelles connaissances techniques pourront possiblement alimenter les réflexions lors de la définition des actions prioritaires du prochain plan national d’action, dont la rédaction devrait être finalisée au premier semestre 2026. Dans l’intervalle, et pour le maintien de la lutte contre cette EEE particulièrement impactante, les institutions et acteurs locaux peuvent dès à présent s’approprier ces outils complémentaires pour continuer à agir pour la préservation de la biodiversité.
En savoir plus
- Présentation du webinaire du Réseau Iguane des petites Antilles (lien)
- Plan national d’action pour la préservation de l’Iguane des petites Antilles (2018-2022) (lien)
- Site internet du Réseau Iguanes des petites Antilles (lien)
- Duporge N., Villaret S., Safi M., Ortolé C., Valin C., Montgolfier B.- 2022 – Projet RÉMMICoM- Régulation Multi Modale de l’Iguane Commun en Martinique – Résultats 2023 – Opération « Coup de Poing » du Plan national d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes – DEAL Martinique, Décembre 2023, 66 pages. (lien)
- Duporge N., Ferrandez C., Safi M., de Montgolfier B.- 2024 – Projet RÉMMICoM – Régulation Multi Modale de l’Iguane Commun en Martinique – Résultats 2024 – Opération « Coup de Poing » du Plan national d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes – DEAL Martinique, Décembre 2024, 48 pages. (lien)
Fiche REX du CdR EEE
- Régulation de l’Iguane rayé en Martinique (lien)
- Communiquer sur l’Iguane rayé, le principale menace pour la conservation de l’Iguane péyi en Martinique : création et animation d’une caravane itinérante de sensibilisation (lien)
Photo du haut de page : N. Duporge
Rédactions et contributions : Clara Singh (Comité français de l’UICN), Nathalie DUPORGE, Inès LAVAL, Morjane SAFI et Benjamin DE MONTGOLFIER (Aquasearch)