Projet REFEM, pour REstaurer les Forêts et les Espèces menacées de Martinique

Les forêts de Martinique sont des espaces fragiles abritant une diversité biologique très riche, reconnue notamment par l’inscription en 2023, des volcans des Pitons du Carbet, de la Montagne Pelée et du Mont Conil au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Toutefois, plusieurs pressions impactent encore actuellement ces forêts, dont la propagation d’espèces exotiques envahissantes animales et végétales.

Depuis 2024, l’OFB mène en partenariat avec l’ONF et avec le soutien financier de la Française des jeux (FDJ), le projet REFEM qui vise à améliorer les connaissances sur la faune vertébrée invasive, ses impacts sur le milieu et les activités humaines, afin d’amorcer la mise en œuvre d’actions de conservation au bénéfice de ces milieux uniques.

Mis en œuvre sur une durée de deux ans (de juillet 2024 à juillet 2026), ce projet se décline en plusieurs objectifs :

  • Réduire l’impact du surpâturage sur les forêts de la Montagne Pelée et des Pitons du Carbet
  • Étudier les interactions entre les mangoustes et les nids de tortues marines des plages du nord de la Martinique
  • Valoriser le projet et partager des connaissances avec le public

L’équipe

Une équipe entièrement dédiée à la mise en œuvre du projet a été constituée au premier semestre 2025. Elle est composée de deux jeunes ingénieures écologues : Adélie Paris et Mitsiou Grelot-Valade, en charge de la collecte et de l’analyse de données ainsi que de la valorisation numérique et partenariale du projet ; et de Cassandra Clert, stagiaire en Master 2, en charge de l’étude de la distribution des ongulés féraux.

Adélie Paris est titulaire d’un master en conservation de la biodiversité de l’université d’Aix-Marseille. Elle a exercé en Finlande et Côte d’Ivoire et travaille depuis plus de 2 ans en Martinique. Elle est spécialisée dans l’étude de la faune par piégeage photographique.

Mitsiou Grelot-Valade est titulaire d’un double master en éthologie et en conservation de la biodiversité. Elle a travaillé en Australie et en Angleterre avant d’arriver en Martinique il y a 2 ans. Elle est notamment chargée de la conduite des enquêtes sur le terrain et de la valorisation numérique et partenariale du projet.

Réduction de l’impact du surpâturage sur les forêts de la montagne Pelée et des Pitons du Carbet

La flore indigène constitutive des forêts des massifs montagneux de la montagne Pelée et des Pitons du Carbet est impactée par le surpâturage d’animaux domestiques divagants tels que les chèvres, les cochons et les bovins. Afin de mettre en œuvre des mesures de gestion efficaces de ces d’animaux, plusieurs travaux préalables d’amélioration des connaissances et de concertation sont réalisés.

Modélisation de l’occupation de l’espace par les ongulés divagants et ensauvagés dans le cœur de bien UNESCO

La distribution des animaux herbivores divagants était mal connue au début du projet et reposait principalement sur des témoignages d’habitants, d’agriculteurs et de randonneurs. Ainsi, afin de mieux dimensionner l’occupation de l’espace par ces animaux et leurs impacts sur l’écosystème, une importante opération d’échantillonnage par piégeage photographique est mise en œuvre. Un travail de cartographie a permis d’identifier 100 stations à inventorier (Fig 1) dans lesquelles des pièges photographiques, acquis spécialement pour le projet REFEM, sont placés afin d’identifier les espèces de vertébrés introduits présents (Fig 2). Au 27 mai 2025, 84 stations de piégeage photographique ont été posées sur la centaine prévue.

Les images collectées sont ensuite utilisées pour effectuer un travail de modélisation dans le but d’identifier les variables environnementales permettant de prédire la probabilité d’occupation des différentes espèces et de cartographier leur distribution.

Figure 1 : le plan d’échantillonnage par piégeage photographique prévu

Figure 2 : Piège photographique posé sur la Montagne Pelée

Etude des dégâts agricoles causés par les vertébrés exotiques dans le nord de la Martinique

Figure 4 : Visuel diffusé dans le cadre de l’enquête « Animaux envahissants et agriculture »

Deux réunions de concertation ont été menées dans le cadre de ce projet afin d’échanger avec les agriculteurs, les décideurs et les éleveurs du nord de l’île sur la gestion des ongulés domestiques divagants (chèvres et porcs ensauvagés) en cœur de bien UNESCO.

Ces réunions ainsi que la thèse de Nicolas Degras, menée  en parallèle par l’INRAE et le Parc Naturel Régional de Martinique (PNRM), ont facilité la prise en compte dans le projet, des perceptions des différents acteurs et usagers concernés vis à vis de ces espèces.  Plusieurs informations quant aux impacts de ces espèces ont ainsi pu être signalées. Le porc féral par exemple, est responsable d’importants dégâts en milieux agricoles, naturels et certaines municipalités s’inquiètent des risques pour la sécurité humaine (attaque de randonneurs et collisions routières) et sanitaires (dégradation de qualité des eaux potable et de baignade liée à leur contamination par les fèces). Toutefois, il occupe une place culturelle particulière pour les habitants du nord de la Martinique, sa chasse informelle et sa consommation constituant un loisir et une ressource économique pour une partie de la population. En revanche, la chèvre férale, bien que très abondante dans certaines forêts du nord, n’interagit que rarement avec les humains et ne semble pas causer de conflits particuliers.

Figure 5 : Près de 80 % des agriculteurs contactés subissaient des dégâts liés à la faune invasive

A l’issue de ces rencontres, une enquête a été réalisée auprès des agriculteurs afin de quantifier l’ampleur des dégâts agricoles imputables au porc féral et renforcer les arguments à la faveur de la gestion des ongulés dans le nord de l’île (Fig 4). Un questionnaire soumis à 85 agriculteurs fin 2024 a permis de collecter 70 réponses dont 80 % témoignent de l’impact de la faune invasive sur leurs cultures (Fig 5). En plus des ongulés, des impacts causés par la Perruche à collier, le Raton laveur et les rongeurs, ont été signalés. Toutefois, le porc féral reste l’espèce à l’origine des plus grandes pertes chez les agriculteurs touchés (jusqu’à 80 % de pertes sur certaines cultures) en particulier sur les communes de Saint-Pierre, Le Prêcheur et Grand-Rivière (Fig 6 et 7). L’enquête est toujours en cours et les données récoltées permettront d’effectuer un travail de modélisation pour l’attribution d’un score de dégâts agricoles par parcelle en fonction de leur localisation et du type de cultures. Les résultats de cette analyse seront partagés avec les acteurs locaux fin 2025.

Figure 6 : Localisation par commune des entretiens réalisés avec les agriculteurs

 

Figure 7 : Localisation des dégâts agricoles enregistrés causés par le porc féral

Sur la base des résultats obtenus grâce au piégeage photographique et en concertation avec les gestionnaires des espaces naturels, des exclos (clôtures empêchant le passage des ongulés) seront installés durant le premier semestre 2026.

Étude des interactions entre les mangoustes et les nids de tortues marines des plages du nord de la Martinique

Trois espèces de tortues marines nidifient sur les plages de la Martinique : la Tortue Luth Dermochelys coriacea, la Tortue imbriquée Eretmochelys imbricata et la Tortue verte Chelonia mydas, toutes trois menacées d’extinction d’après la Liste rouge de l’UICN du fait notamment des captures accidentelles en mer, de la dégradation de leurs sites de pontes et de la prédation de leurs œufs et nouveaux nés par des mammifères introduits. En cohérence avec le Plan National d’Actions dont elles font l’objet, le projet REFEM prévoit d’évaluer l’impact de la prédation par la Petite mangouste indienne (Urva auropunctata) sur le succès de nidification des tortues marines au niveau des plages des flancs de la montagne Pelée, également incluses dans le cœur de bien UNESCO.

Évaluation de l’impact de la prédation des nids sur le succès de nidification des tortues marines

Une vingtaine de stations de piégeage photographique ont été installées et exploitées durant le troisième trimestre 2024 sur trois sites de nidification de tortues marines situés suur la commune du Prêcheur : Anse Couleuvre, Anse Lévrier et Anse à Voile. Près de 190 000 images ont ainsi été acquises et sont en cours d’analyse.

Figure 8 : Prédation d’œufs de tortue marine par une petite mangouste indienne © ONF

Figure 9 : Nid de tortue marine prédaté par une petite mangouste indienne sur la plage de l’anse à Voile dans le nord de la Martinique.

En complément du piégeage photographique, un protocole d’identification individuelle et de suivi des nids de tortues (éclosion, prédation et érosion) a été établi et sera mis en œuvre lors du second semestre 2025 pour identifier les paramètres qui influencent le succès de leur incubation. . A terme, le projet permettra d’évaluer l’efficacité des mesures de protection des nids mises en œuvre par les gestionnaires (opérations de captures par exemple) sur l’abondance des populations de mangoustes et les taux de prédation associés.

Valorisation du projet et partage des connaissances avec le public

Les premiers résultats du projet ont été présentés au réseau d’acteurs de la Martinique lors de trois réunions, soit auprès de plus de 50 personnes. Par ailleurs, les données recueillies en 2024 ont alimenté la plateforme Madinati de l’Observatoire Martiniquais de la Biodiversité (OMB) coordonnée par le PNRM.

Un observatoire photographique en ligne et accessible au grand public sera créé à la fin du projet  pour partager des clichés de ces massifs forestiers et suivre l’évolution de la pression des ongulés ensauvagés sur la flore et le paysage conjointement aux actions de gestion et d’amélioration des connaissances mises en œuvre.

Rédaction et contribution : Fabian Rateau, Adélie Paris (Office français de la biodiversité)

Relecture : Clara Singh (Comité français de l’UICN)

Photo du haut de page : Piton Gelé ©J.B. Barret (DEAL Martinique)

 

 

 

 

 

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