Le petit coléoptère des ruches Aethina tumida détecté pour la première fois à la Réunion
La Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DAAF) et le Groupement de Défense Sanitaire (GDS) de La Réunion ont confirmé la présence du petit coléoptère des ruches Aethina tumida le 6 juillet 2022 dans un rucher du sud de l’île. Il s’agit de la première détection de ce coléoptère ravageur des ruches sur le territoire français.
Le diagnostic a été effectué par analyses morphologiques et comportementales établies à partir de photographies et vidéos prises par le GDS de la Réunion et le CIRAD et transmises en urgence au Laboratoire national de référence (LNR) pour les maladies des abeilles (Anses, Sophia-Antipolis) par les services de l’État. Seuls des coléoptères adultes ont été détectés à ce jour.
Présentation de l’espèce
Le petit coléoptère des ruches est une espèce d’insectes coléoptères, parasite des colonies, d’abeilles, appartenant à la famille des Nitidulidae.
L’adulte est brun foncé à noir, mesure environ 5,7 mm de long sur 3,2 mm de large. Il pond ses œufs dans les fissures d’une ruche, sur des cadres de pollen ou sur des détritus de fond de ruche. Les larves se nourrissent de pollen, de larves et d’œufs d’abeilles ainsi que de miel. Elles migrent ensuite à l’extérieur de la ruche pour s’enfoncer dans le sol et y effectuer leur nymphose.
Répartition
Originaire de la moitié sud du continent africain, le coléoptère est actuellement présent sur tous les continents. Des populations à caractère invasif sont notamment repérées au Canada, aux États-Unis (1ère introduction en 1998 puis détection dans 29 États en 2003), au Mexique, dans plusieurs autres pays d’Amérique centrale et en Australie (Figure 1, GBIF, 2022 ; CABI, 2019) .

Figure 1 : Répartition d’Aethina tumida, juillet 2022 © OpenStreetMap contributors, © OpenMapTiles, GBIF.
En Europe, l’espèce a été détectées en Italie pour la première fois en 2014 (Chauzat et al., 2014), où seuls des ruchers du sud de l’Italie (Calabre) semblent actuellement touchés. Plus près de La Réunion, le coléoptère a été détecté à l’île Maurice en 2017.
Impacts

Larves dans les rayons d’une ruche © Jeffrey W. Lotz, Florida Department of Agriculture and Consumer Services
Aethina tumida est un ravageur des colonies d’abeilles et de bourdons. Sa multiplication peut entraîner un affaiblissement des colonies jusqu’à leur mort. Il se nourrit des couvains et de miel, et peut également détruire les cadres des ruches ou entraîner une fermentation du miel, causant d’importantes pertes économiques pour les apiculteurs. Dans des pays comme les États-Unis ou l’Australie, sa prolifération a entraîné de telles pertes économiques mais des impacts environnementaux sont également suspectés avec le déclin de populations sauvages d’abeilles.
Voie d’introduction et de dissémination
A La Réunion, seuls des coléoptères adultes ont été actuellement détectés. Des analyses moléculaires sont en cours pour confirmer l’identification de l’espèce et déterminer son origine.
Une fois introduits sur un territoire, les adultes peuvent voler plusieurs kilomètres pour infester de nouvelles colonies hôtes. Ils peuvent survivre jusqu’à neuf jours sans eau ni nourriture, jusqu’à 50 jours dans des cadres usagés et plusieurs mois dans des fruits (Anses, 2014).
La dissémination de ce coléoptère est favorisée par les transports d’abeilles, de colonies, d’essaims, de cire ou de matériel apicole. Les mouvements de terre (ex : commercialisation de plantes en pots), de fruits ou d’hôtes occasionnels (comme les bourdons, Bombus spp. – absent à la Réunion) peuvent également constituer des voies d’introduction.
Mesures de gestion
Le Règlement européen 2018/1882 classe le coléoptère dans les catégories D (maladie répertoriée à l’égard de laquelle des mesures s’imposent en vue d’en empêcher la propagation en cas d’entrée dans l’UE) et E (maladie répertoriée à l’égard de laquelle une surveillance est nécessaire au sein de l’UE). L’infestation par le petit coléoptère des ruches est classée comme danger sanitaire de catégorie 1 en France (Décret n° 2012-845 du 30 juin 2012) et suppose la mise en place de mesures de police sanitaire dès la phase de suspicion de la maladie (mise en place de zones de restriction et de surveillance, interdiction de mouvements).
Retour d’expérience en Italie |
A La Réunion, un arrêté préfectoral a été signé le lendemain de la confirmation de la présence du coléoptère. Une zone réglementée de 10 km de rayon a été définie, composée d’une zone de protection de 5 km autour du foyer d’invasion et d’une zone de surveillance de 5 km supplémentaire autour de la zone de protection (figure 2).
Des recensement et visites des ruchers présents dans les deux zones seront réalisés. Des destructions de ruchers infestées pourront être effectués. Des pièges seront également installés. Les déplacements de ruches sont interdits. L’objectif de ces mesures est une éradication précoce du coléoptère. Les apiculteurs travaillant en dehors de ces deux zones sont invités à la plus grande vigilance et à inspecter leurs ruches.
Comment éviter son introduction dans les régions indemnes ?
Toute introduction d’abeilles, de bourdons, de sous-produits apicoles non transformés, d’équipements apicoles et de miel en rayon en provenance des zones infestées est interdite. L’importation de reines ou de lots d’abeilles doit obéir au respect des modalités sanitaires en vigueur.
Tout lot d’abeilles ou de bourdons introduit sur le territoire national quelle qu’en soit l’origine, doit obligatoirement être accompagné d’un certificat sanitaire officiel.
Toute importation de reines doit respecter les modalités de réencagement préalables à leur transfert dans les nouvelles ruches et des contrôles systématiques obligatoires réalisés par les laboratoires agréés afin de limiter le risque d’introduction d’Aethina tumida.
Que faire en cas de suspicion ?
L’inspection régulière des colonies dans les ruchers permet d’assurer la détection précoce des coléoptères et larves atypiques. La présence de galeries creusées dans les cadres, la disparition du couvain ou la modification de la couleur du miel peuvent être des signes de présence du petit coléoptère des ruches (Boucher, 2017).
En cas de doute, il est nécessaire de contacter la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDecPP) qui pourra prendre les mesures adaptées.
Tout échantillon suspect d’Aethina tumida doit être envoyé pour identification au Laboratoire de référence (Anses, Sophia Antipolis, Inr.abeille@anses.fr). Les prélèvements doivent être préalablement congelés ou plongés dans l’alcool à 70 %.
Rédaction : Coraline Jabouin, Office français de la Biodiversité
Relectures : Yohann Soubeyran et Madeleine Freudenreich (Comité français de l’UICN), Alain Dutartre (expert indépendant)
Pour en savoir plus :
Sur le coléoptère Aethina tumida :
- Voir la Fiche de présentation l’Anses
- Consulter base d’information du CABI
- Télécharger les dépliants et les affiches : https://agriculture.gouv.fr/aethina-tumida-un-danger-pour-les-abeilles
Sur la réglementation :
- Arrêté préfectoral de la Réunion (N° SALIMPSPAE-2022-965-D-2)
- Règlementation sur les mesures de police sanitaire applicables aux maladies réputées contagieuses des abeilles (Arrêté du 23 décembre 2009)
- Règlementation européenne sur prévention et la lutte contre les maladies (Règlement d’exécution (UE) 2018/1882)
Références citées dans le document :
- Boucher, S. (2017). Aethina tumida, ou petit coléoptère de la ruche: nouveau danger «parasite» de la colonie. Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 170(1), 51-55.
- Chauzat, M. P., Franco, S., Duquesne, V., Rivière, M. P., Thiéry, R., Meziani, F., … & Mutinelli, F. (2014). Première détection du petit coléoptère des ruches (Aethina tumida) en Italie. Bulletin épidémiologique santé animale et alimentation, 65, 1-5.