Retour sur le projet « Les Gardiens des îlots », une démarche pour assurer la pérennité de la dératisation des îlots Camille et Sapin en Nouvelle-Calédonie
Entre 2020 et 2023, deux îlots de la Province Nord situés dans le lagon de la commune de Touho, ont fait l’objet d’opérations d’éradication de rongeurs exotiques envahissants. Toutefois, afin d’éviter de nouvelles introductions accidentelles de rats et de souris depuis l’île principale, le projet Les Gardiens des îlots, porté par l’association Hô-üt et financé par le fond de soutien de Nouvelle-Calédonie aux associations œuvrant pour la biodiversité et l’ANCB, se concentre essentiellement sur des actions préventives.
Crée en 2013, l’association Hô-üt pilote plusieurs actions des plans de gestion environnementaux de la commune de Touho (2016 – 2020 et 2023 – 2033), relatives à la protection de deux îlots coralliens : l’îlot Camille (Hô-üt ou Ouao) et l’îlot Sapin (Hiengu), inclus dans le bien des « Lagons de Nouvelle-Calédonie », inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008 (Fig. 1 et 2).
![]() 1- Îlot Camille ©Hô-üt |
![]() 2- Îlot Sapin © Hô-üt |
Dératisations antérieures au projet
Ces îlots, les récifs coralliens et les herbiers qui les entourent, sont actuellement principalement fréquentés par les habitants des tribus à proximité et du village de Touho pour la pêche et la plaisance. Le Rat noir (Rattus rattus), le Rat du Pacifique (Rattus exulans) et possiblement la Souris grise (Mus musculus), constituaient une menace majeure pour la végétation, les oiseaux nicheurs comme le Puffin du pacifique (Ardenna pacifica) et la Sterne diamant (Sterna sumatrana) (Fig; 4), et les reptiles tels Bavayia cyclura (gecko endémique classé En Danger)(Fig. 3) et le Scinque de Garnier (Phoboscincus garnieri). Face à ce constat, l’Îlot Camille (10 ha) et l’Îlot Sapin (8 ha), ont été dératisés à l’aide de raticide respectivement en 2020 et 2023 par l’association Hô-üt en partenariat avec la Province Nord (Brigade des gardes-nature).
![]() 3- Bavayia cyclura © Hô-üt |
![]() 4- Sterna sumatrana © Hô-üt |
Le protocole d’éradication consistait sur chaque îlot à baliser tous les points d’épandage suivant un quadrillage (Fig. 5). Puis, afin d’établir un état initial, un contrôle préalable d’abondance des rongeurs a été réalisé à l’aide d’une soixantaine de tapettes à rats. Deux épandages manuels de raticide ont ensuite été réalisés et ont été suivis de la pose de postes d’appâtage pour contrôler la présence de rat après la dératisation. Ces postes d’appâtage ont été installés et suivis en lisière de forêt, aux points d’introductions principaux (sur la côte face à la Grande Terre, sur la côte face à l’arrivée des déchets transportés par les crues) et sur la côte face au récif (Fig. 6). Début 2025, aucun rongeur n’était observé sur les îlots.
![]() 5- Balisage des points d’épandage sur l’îlot Camille |
![]() 6- Localisation des postes d’appâtage anti-réinvasion sur l’îlot Sapin |
Les gardiens des îlots, pour des suivis réguliers des points d’introduction

7- Contrôle d’une station d’appâtage
Des observations empiriques témoignent déjà du bénéfice de la dératisation sur les milieux naturels, notamment le rétablissement des tapis de Pandanus (Pandanus tectorius) auparavant impactés par les rats, ainsi que la nidification de davantage de couples de Puffins du Pacifique. Ainsi, compte-tenu du succès de l’opération et les îlots n’étant situés qu’à 3-4 km de la Grande Terre et à 6 km l’un de l’autre, des suivis réguliers et des actions de sensibilisation devaient être réalisés pour éviter de nouvelles introductions involontaires par la navigation. Dans ce contexte le projet Les Gardiens des îlots a été lancé en juin 2025 et permet la réalisation de contrôles de présence des rats à l’aide de tapettes appâtées au beurre de cacahuète (Fig. 8) ainsi que la pose et le réapprovisionnement mensuel en raticide de boites d’appâtage sur les points précédemment définis (Fig 6, 7 et 9). En plus de l’animateur de l’association, des bénévoles et des habitants participent à ces contrôles.
![]() 8- Contrôle de la présence de rat © Hô-üt |
![]() 9- Recharge d’appâts © Hô-üt |
Conjointement au suivi, les opérateurs procèdent également au ramassage des déchets pour éviter qu’ils n’attirent des rongeurs potentiellement réintroduits et limiter les impacts sur la biodiversité. Des panneaux de sensibilisation pour chacun des îlots sont en cours de création pour encourager les habitants aux bonnes pratiques de prévention et les sensibiliser aux impacts des rats sur les milieux naturels et les espèces menacées. Des livrets sur la biodiversité des îlots, conçus dans le cadre de l’Atlas de la biodiversité communale (ABC) de Touho seront imprimés et distribués aux habitants ainsi qu’aux établissements scolaires pour renforcer la communication auprès des différents publics concernés.
En septembre 2025, les résultats des suivis étaient toujours concluants, même si deux granulés d’une boite d’appâtage semblent avoir été consommés sur l’îlot Camille. Il n’est pour l’instant pas possible d’attribuer cette consommation à un rongeur exotique car aucun n’a été détecté sur l’îlot. Cette observation, 5 ans après la dératisation souligne néanmoins l’intérêt du temps et des financements alloués à des suivis réguliers sur le long terme pour confirmer le succès et la pérennité d’une opération d’éradication.

Participants aux contrôle de la présence des rats © Hô-üt
Perspectives
L’association Hô-üt prévoit de candidater à la prochaine session de l’appel à projets fond de soutien de la Nouvelle-Calédonie aux associations œuvrant pour la biodiversité financé par le gouvernement et l’ANCB pour poursuivre des actions sur les îlots en 2026, incluant le contrôle des stations d’appâtage à rats (6 fois dans l’année), le ramassage des déchets, la restitution des résultats de ces missions aux établissements scolaires du secteur et à la Mairie de Touho.
En savoir plus
- Plan de gestion environnemental de Touho (2023-2033) – lien
- Présentation de la dératisation de l’îlot Sapin – lien
- Page Facebook de l’association hô-üt – lien
- https://especes-envahissantes-outremer.fr/contribution-des-eee-au-declin-des-lezards-et-de-la-flore-de-nouvelle-caledonie/
Photo du haut de page : © Hô-üt
Rédaction : Clara Singh (Comité français de l’UICN)
Relectures et contributions : Amaury Durbano (association hô-üt), membres de l’association Hô-üt et Yohann Soubeyran (Comité français de l’UICN)