A la rencontre de Marie Monrolin : Chargée de projet Savanes/EEE au GEPOG
Marie Monrolin vient de rejoindre le groupe des référents locaux du Réseau EEE outre-mer pour la Guyane après avoir été membre pendant plusieurs années depuis Wallis et Futuna. Elle a accepté de répondre à nos questions dans cet entretien qui retrace son parcours et nous en dit plus sur ses missions actuelles au sein du GEPOG.
1) Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours et comment avez-vous été amené à travailler sur les EEE ?
Je me présente, Marie Monrolin, ingénieure écologue. Originaire d’un petit village des Alpes maritimes, j’ai toujours été captivée par les animaux et les plantes qui m’entouraient. J’ai grandi avec l’idée que je contribuerai de toutes les façons possibles à la protection de la faune et de la flore. J’ai fait principalement mes études à l’Institut Agro Montpellier, mais j’ai aussi étudié à l’école de l’ESALQ au Brésil puis à l’UMR Ecofog à Kourou. J’ai pris conscience pour la première fois de l’impact des espèces envahissantes dans le cadre d’un bénévolat en Nouvelle-Zélande sur la conservation in-situ de plusieurs espèces d’oiseaux endémiques, dont le Kiwi, particulièrement menacées par les rats, oppossums et chats harets.
Après mes études, je suis arrivée à Wallis et Futuna en tant que VSC forêt. Dans les îles du Pacifique, les espèces envahissantes représentent une des principales menaces pour la biodiversité, j’ai donc rapidement été amenée à travailler sur ces problématiques pour le Service Territorial de l’Environnement. Après 8 années passées dans le pacifique, j’ai rejoint l’équipe du GEPOG en Guyane en août 2023 en tant que chargée de projet Savanes-Espèces Exotiques Envahissantes sur le projet Life BIODIV’OM.
2) Quelles étaient vos missions juste avant d’arriver en Guyane où vous avez rejoint l’équipe du GEPOG ?
J’ai intégré le Service territorial de l’Environnement de Wallis et Futuna en 2019 dans le cadre du programme PROTEGE (Projet Régional Océanien des Territoires pour la Gestion Durable des Ecosystèmes). En tant que chargée de mission « Espèces Exotiques Envahissantes », j’ai organisé et coordonné les opérations de lutte contre les espèces exotiques envahissantes animales et végétales et les opérations de restauration de sites à forte biodiversité sur Wallis et Futuna. Mes missions étaient très variées, entre la rédaction de protocoles, la cartographie des zones de présence des différentes espèces, la mise en place d’ateliers de concertation avec la population, et la réalisation et le suivi des chantiers de lutte contre différentes espèces végétales telles que l’Agave américaine (Agave americana)ou la Liane du diable (Epipremnum aureum).
Une des actions phares du projet a été l’opération d’éradication des rats sur les 14 îlots de Wallis, réalisée manuellement pour une partie et via l’utilisation d’un drone pour les îlots les plus difficiles d’accès. Cette action était une première pour Wallis et Futuna, d’autant plus qu’elle a été réalisée en pleine période de Covid-19, avec un appui à distance de l’ONG Island Conservation.
Suite à ces différentes actions, l’équipe du Service Territorial de l’Environnement a reçu le titre de « Battler of the Year 2021 », attribué par le Programme Régional Océanien de l’Environnement.
3) Quelles sont les particularités du contexte guyanais vis-à-vis des EEE ? Quelles sont les espèces les plus problématiques ?
En Guyane, la problématique des EEE est plutôt récente, en comparaison avec les autres territoires ultramarins français. De plus, les écosystèmes forestiers y semblent plus résilients face aux invasions biologiques, notamment végétales. Néanmoins certaines espèces invasives y sont d’ores et déjà installées, dont quelques-unes sont très préoccupantes, à l’instar de l’Acacia mangium et du Melaleuca quinquenervia, plus connu sous le nom de Niaouli. Ces deux espèces originaires d’Australie ont été introduites volontairement à des fins de revégétalisation des sites miniers, de production de pâte à papier et d’usages agronomiques. Elles ont été identifiées comme les deux espèces naturalisées les plus problématiques en Guyane, sur les 165 espèces recensées. A cause de leur croissance et de leur expansion rapide, ces arbres sont capables de transformer la nature du sol et contribuent à la fermeture des milieux, mettant en péril les savanes de Guyane, qui ne représentent plus que 0,2 % du territoire.
4) Dans quelle mesure et sur quels aspects êtes-vous mobilisée sur les EEE dans le cadre de vos missions au GEPOG ?
Depuis 10 ans, le GEPOG met en place des actions visant à mieux connaître et préserver les savanes de Guyane. En tant que chargée de projet au sein de l’équipe « savanes », je coordonne le volet protection des savanes guyanaises et lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Mon rôle est également d’animer le plan de lutte contre l’Acacia mangium via la réalisation d’ateliers participatifs, de participer au suivi post abattage des Acacia mangium dans les savanes, de rédiger et soumettre de nouveaux projets pour la préservation des savanes.
5) Quelles sont les actions phares conduites par le GEPOG dans le cadre du projet Life BIODIV’OM ?
Le projet LIFE BIODIV’OM est un projet ultramarin coordonné au niveau national par la LPO et qui concerne 5 territoires d’Outre-mer. Concernant la Guyane, le GEPOG a coordonné de 2018 à 2024 un volet sur le Mérou géant et un volet sur les savanes. L’équipe savane a ainsi pu mettre en place différentes actions phares, parmi lesquelles la rédaction et la validation d’un plan de lutte contre l’Acacia mangium et d’une stratégie de lutte contre le Niaouli, des actions de lutte et de suivi contre l’Acacia mangium avec plus de 5000 arbres abattus en savane et dans des espaces naturels protégés, des test de contrôle du Niaouli, la plantation de près de 4500 plants d’espèces locales de remplacement à l’usage des acacias et la sensibilisation et la formation des différents acteurs concernés par la thématique de ces EEE.
6) Le LIFE BIODIV’OM touchant bientôt à sa fin, quels sont les prochains défis à relever et enjeux pour préserver les savanes guyanaises face aux invasions de niaoulis et d’acacias ?
Le bilan du LIFE BIODIV’OM est positif, avec 16 200 hectares de savanes protégés, l’objectif a été atteint puisque 65% des savanes guyanaises sont protégées de l’Acacia mangium ! Les prochains défis seront donc de poursuivre la lutte contre l’Acacia mangium et d’assurer les suivis post éradication tout en mettant en place en parallèle des plans d’actions en partenariat avec les communes. Le plus grand défi pourrait concerner la lutte contre le Niaouli car à ce jour les méthodes de lutte testées dans le cadre du projet n’ont pas été validées. Un nouveau projet a été rédigé et est actuellement en attente de financement.
Photo du haut de page : Savane de Guyane (c) A. Stier