Le programme LIFE + Pétrels vole au secours de deux espèces endémiques de La Réunion
L’île de La Réunion fait partie d’un des 35 hot-spots de la biodiversité mondiale, et elle est inscrite, grâce à ses pitons, cirques et remparts exceptionnels, au patrimoine mondial de L’UNESCO. Cependant, comme sur beaucoup d’autres îles dans le monde, sa faune endémique est menacée d’extinction, principalement par la présence de deux prédateurs introduits il y a environ 300 ans : les rats et les chats. En effet, La Réunion est le département français qui possède le plus d’animaux errants par habitant, et ces chats se retrouvent maintenant dans tous les milieux de l’île, même dans les remparts les plus reculés, où nichent deux espèces endémiques de pétrels : le Pétrel de Barau (Pterodroma baraui) et le Pétrel noir de Bourbon (Pseudobulweria aterrima), cette dernière classée récemment dans la liste des 15 espèces les plus rares et menacées au monde. Un seul chat peut à lui seul, tuer 90 Pétrels de Barau par saison, entraînant, si rien n’est fait, la disparition de l’espèce dans moins de 150 ans.
Le projet LIFE+ Pétrels lancé en 2015 est un projet européen sur 5 ans qui vise à sauver ces deux oiseaux emblématiques de l’île. Le Parc national de La Réunion coordonne ce projet européen, en collaboration avec la SEOR, l’Université de La Réunion, l’ONCFS, et la Brigade Nature de l’Océan Indien, et avec le soutien financier de la DEAL et du Conseil départemental. Un des challenges de ce projet est de réunir l’ensemble des acteurs et usagers de l’île pour limiter l’impact destructeur de ces prédateurs . « Sur une grande île urbanisée comme La Réunion, l’errance animale est un problème qui doit être géré sur tout le territoire, des milieux urbains jusqu’aux forêts primaires les plus reculées, sites de nidification des pétrels » explique Martin Riethmuller, chargé de mission pour la mise en place des actions de lutte dans la cellule LIFE+.
Mais comment lutter contre ce prédateur redoutable, sur de grandes surfaces difficiles d’accès ?
Depuis 2010, des campagnes de capture par cage-pièges sont menées par différents partenaires gestionnaires (ONF, SEOR, Parc national) et plus récemment, avec l’arrivée d’une association de réinsertion professionnelle, l’AVE2M. « Le soutien de l’AVE2M dans cette action est un atout majeur, tant sur le point logistique, que pour démontrer que la conservation peut créer de l’emploi et participer à l’économie de notre île , et c’est aussi ça l’ambition de notre projet» se réjouit Lucie Labbé, Chef du programme Life+ Pétrels. 3 Depuis le début des campagnes de contrôle des chats, plus de 250 chats ensauvagés ont été capturés dans les montagnes, et ramenés à dos d’homme aux fourrières dans les bas de l’île. « Cela représente un travail considérable depuis 6 ans, avec plus de 17000 nuits-pièges pour 380 cages déployées, mobilisant jusqu’à 80 agents par saison, représentant un coût en temps et financier énorme, pour une efficacité trop faible» constate Jérôme Dubos, assistant-ingénieur dans la Cellule Life+. « Nous démontrons, grâce à l’installation de piège photographique, qu’autant de chats sont encore présents sur les sites, et qu’ils ne rentrent absolument pas dans les cages, malgré nos efforts constants» explique Jérôme .
En effet, la méthode par cage-pièges est décrite depuis longtemps en Nouvelle-Zélande comme peu efficace sur les populations de chats ensauvagés, mais c’est la seule autorisée en France. « La réglementation sur le contrôle des chats sauvages doit changer rapidement, et s’adapter à notre contexte insulaire, en s’appuyant sur ce qui est fait dans d’autres pays depuis longtemps, pour nous permettre de travailler efficacement et espérer sauver notre faune endémique avant qu’elle ne disparaisse » poursuit Martin .
Que faire en attendant ce changement, et augmenter l’efficacité des campagnes de contrôle des chats?
Une étude écoéthologique a été lancée en 2015 pour essayer de mieux comprendre les déplacements, l’utilisation de l’habitat, les préférences alimentaires et les comportements individuels des chats ensauvagés sur les sites d’intervention. « L’idée de cette étude et d’essayer de trouver le talon d’Achille, les pêchés mignons, les habitudes de ces chats sauvages pour optimiser notre dispositif de captures » explique Naïs Avargues, étudiante en Master 2 BEST à l’Université de La Réunion, dans le laboratoire ENTROPIE. « Nous utilisons la méthode capture-marquage-recapture (CMR), avec des pièges photographiques, qui nous permet enfin de contacter, identifier et d’observer ces chats principalement nocturnes. Avec ces milliers de photos et vidéos récoltées, nous pourrons estimer les densités, les tailles de territoires, et le comportement individuel face à différents types d’appâts, permettant de mieux dimensionner les campagnes de contrôle et augmenter le nombre de captures » souligne Naïs.
Nouvelles compétences, nouvelles synergies, nouveaux équipements qui permettent à l’équipe du LIFE+ Pétrels d’améliorer les dispositifs pour essayer de réduire les impacts des prédateurs introduits.
Par la Cellule LIFE+ Pétrels
Crédit : SEOR