Projet Life STOP EXTINCTION pour la sauvegarde d’oiseaux menacés en Polynésie française
La Polynésie française est l’un des territoires qui abrite la plus grande proportion d’oiseaux menacés au monde. 50 extinctions y ont déjà été répertoriées, et le phénomène tend à se poursuivre puisque 20 des 30 espèces d’oiseaux endémiques du pays sont menacées d’extinction, dont 10 classées en danger critique d’extinction d’après la liste rouge mondiale de l’UICN, Au premier rang des pressions, les espèces exotiques envahissantes (EEE) jouent un rôle majeur dans ces disparitions.
Initié en 2023 pour trois ans à l’aide de dotations et du Fonds vert de l’Etat, le projet Stop Extinction porté par l’association SOP MANU, bénéficie depuis fin 2024 du soutien financier du programme Life de l’Union européenne. Rebaptisé « Life Stop extinction », ce projet, prévu pour une durée de 6 ans, a pour objectif d’empêcher l’extinction des cinq espèces d’oiseaux les plus menacées de Polynésie française : Le Puffin de Rapa (Puffinus myrtae), le Monarque de Fatu Hiva (Pomarea whitneyi), la Gallicolombe erythroptère (Alopecoenas erythroperus), le Monarque de Tahiti (Pomarea nigra) et le Ptilope de Hutton (Ptilinopus huttoni).
Avec un budget de 8,38 millions d’Euros (près d’un milliard de Fcpf) dont 75 % provenant de l’Union Européenne, le projet élève ses ambitions pour lutter contre l’ensemble des pressions qui s’exercent sur ces oiseaux, avec notamment la mise en œuvre de mesures de prévention, d’éradication et de contrôle d’EEE animales et végétales.
Focus sur les actions de gestion des EEE prévues pour préserver ces oiseaux
Le Ptilope de Hutton (Ptilinopus huttoni)

P. huttoni © R. Luta
Avec 165 individus, le Ptilope de Hutton assure la dispersion des graines des espèces végétales des forêts indigènes de l’île de Rapa, un écosystème très menacé qui ne représentait déjà plus que 13% de l’île en 2005. A l’érosion généralisée causée par le cheptel (chèvres, bœufs) laissé en liberté, se surajoute des EEE végétales tels que le Goyavier de Chine (Psidium cattleianum) et le Pin Caraïbe (Pinus caribaea), qui étouffent littéralement les dernières forêts de l’île et qui sont par conséquent ciblées par des opérations d’élimination dans le cadre de ce projet. Par ailleurs, la mise en place de barrières pour empêcher les chèvres et le bétail d’accéder aux lambeaux forestiers restant, et des mesures de biosécurité avec notamment l’utilisation d’un chien renifleur pour prévenir l’introduction du Rat noir (Rattus rattus) encore absent de l’île, sont aussi prévues.
Le Puffin de Rapa (Puffinus myrtae)
Il ne resterait que 60 couples de cet oiseau marin endémique de Polynésie française même s’il est possible que les effectifs actuels réels soient bien inférieurs. Plusieurs mesures sont en cours pour préserver cet oiseau qui niche sur seulement quatre îlots au large de l’île de Rapa. L’éradication des rongeurs de toute ses zones de nidification pour empêcher la prédation des nids est prévue, ainsi que des suivis de nids. Les goyaviers de Chine qui limitent l’accès aux terriers sont en cours d’élimination et la prolifération de l’herbe Minelis minutiflora qui altère l’imperméabilité de son plumage est freinée.
![]() P. myrtae © C. Blanvillain |
![]() Dératisation de Rapa © SOP Manu |
La Gallicolombe erytroptère (Alopecoenas erythroperus)

A. erythroperus © C. Blanvillain
Après son extinction sur plus de 25 îles des Tuamotu et de la Société liés à l’arrivé de prédateurs introduits ou de maladies tels que la variole aviaire, les dernières populations viables de cet oiseau sont cantonnées à trois petits atolls du groupe Actéon (archipel situé dans celui des Tuamotu). Indemnes de prédateurs introduits, notamment grâce à l’éradication de populations de rats, chats et cochons réalisée en 2015 sur 2 de ces trois îles, ces sites font l’objet de mesures préventives pour éviter toute nouvelle introduction d’espèces exotiques – tant animales que végétales. Des opérations d’élimination des cocotiers qui nuisent à la végétation naturelle et aux habitats sont également prévues. En complément, une population de sécurité sera créée par translocation d’individus dans une réserve crée à plus de 250 km de là, afin de préserver l’espèce en cas de maladies aviaires ou de catastrophe naturelle s’abattant sur le groupe Actéon.
Le Monarque de Fatu Hiva (Pomarea whitneyi)
Auparavant commun sur Fatu Hiva, cet oiseau endémique est désormais l’oiseau le plus menacé de France et du monde. Avec seulement 19 individus dénombrés en 2023 puis 16 en 2024, cette espèce subit les pressions de plusieurs EEE animales, en particulier la prédation de ses nids par les rats noirs et les chats sauvages, et l’exposition à la malaria aviaire (causée par la bactérie Plasmodium relictum transmise par le moustique exotique envahissant Culex quinquefasciatus). En réponses à ces impacts, de nombreuses actions de gestion des EEE sont prévues permettant l’extension des zones protégées exemptes de prédateurs introduits et la mise en place de barrières pour freiner leur propagation. Le piégeage de moustiques et leur contrôle via des lâchers de mâles stériles sont aussi inclus dans le projet pour limiter les infections par la malaria aviaire.
![]() P. whitneyi © B. Ignace |
![]() Suivi des individus et des populations © B. Ignace |
Le Monarque de Tahiti (Pomarea nigra)
Après un très fort déclin, cet oiseau endémique de Tahiti a connu une augmentation de ses effectifs grâce aux actions conduites depuis plus de 25 ans pour sa sauvegarde (au moins 150 individus étaient recensés en 2024 contre seulement 21 en 1998). Plusieurs des EEE végétales et animales parmi les 100 espèces les plus envahissantes de la planète menacent encore actuellement cette espèce. L’extension des zones protégées vis-à-vis de la prolifération des rats et l’éradication des dernières colonies de Petites fourmis de feu (Wasmannia auropunctata), qui persistent après plus de 8 ans de lutte (REX) sont effectuées. Le retrait de plusieurs EEE végétales pour la restauration de son habitat sont également réalisées. La création d’une population de sécurité sur une île qui sera débarrassée des chèvres et rat qui y pullulent grâce au projet est prévue.
![]() P. nigra © C. Blanvillain |
![]() Opération de dératisation © B. Ignace |
En savoir plus :
https://manu.pf/nos-projets/stop-extinction/
Photo du haut de page : Monarque de Fatu Hiva © B. Ignace
Rédaction et contribution : Caroline Blanvillain et Chloé Brown (Sop Manu), Clara Singh (Comité français de l’UICN)