A la rencontre de Daniel Koelsch : technicien biodiversité à la DTAM de Saint-Pierre et Miquelon

Daniel Koelsch, technicien biodiversité à la DTAM de Saint-Pierre et Miquelon et référent local du Réseau EEE outre-mer pour ce territoire a accepté de répondre à nos questions. Dans cet entretien, Daniel présente ses différents champs d’intervention  dont une grande partie concerne les invasions biologiques en milieu marin. Il expose les différentes actions conduites sur le territoire et explique comment les liens resserrés avec le Canada contribuent au renforcement de la prévention d’introduction, de la surveillance et de la gestion des EEE.

1) Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Daniel Koelsch, technicien biodiversité (DTAM Saint-Pierre et Miquelon). © DTAM

Originaire de l’archipel, j’ai travaillé depuis 1990 dans divers domaines mais ce n’est qu’à partir de 2018 qu’une opportunité s’est présentée à moi et m’a permis de rediriger mon activité professionnelle vers l’environnement et sa biodiversité.  L’intérêt que je manifestais au travers de mes activités de loisirs et associatives pour nos milieux naturels, sa faune et sa flore, m’a donc conduit vers un poste de technicien biodiversité au sein de la Direction des Territoires de l’Alimentation et de la Mer. Mes domaines d’intervention au sein de ce service sont très diversifiés et se concentrent, en fonction des saisons, sur les milieux marins, forestiers, dunaires, les lagunes, les mornes… et les espèces fauniques et floristiques qui s’y rattachent. Travailler sur autant de milieux différents et d’espèces constitue, un véritable défi et représente une source d’apprentissage inépuisable.

 

2) Qu’est-ce qui vous a conduit à travailler sur les espèces exotiques envahissantes ?

La détection et le suivi des espèces exotiques envahissantes font partie intégrante de ma charge de travail au sein de la DTAM. La menace que représentent les espèces exotiques envahissantes pour nos écosystèmes, habitats naturels, espèces indigènes et notre santé ajoutée à leur vitesse de propagation et à la difficulté de les gérer une fois qu’elles sont installées, font que la détection, l’organisation de la lutte et le suivi de ces dernières s’inscrivent en missions prioritaires pour notre service. Une attention particulière est également portée sur la communication de manière à sensibiliser tous les acteurs et donc favoriser l’action collective qui est indispensable dans toute lutte contre les EEE (https://www.saint-pierre-et-miquelon.developpement-durable.gouv.fr/especes-envahissantes-on-peut-tous-contribuer-a-a408.html)

3) Quelle sont les EEE problématiques à Saint-Pierre et Miquelon et quels sont les milieux les plus impactés ?

Crabe vert (Carcinus maenas) .                           © DTAM – D. Koelsch

Le Crabe vert (carcinus maenas) est une espèce originaire d’Europe et d’Afrique. Il est présent dans les Maritimes depuis les années 1950 et a été détecté pour la première fois dans les eaux de l’archipel en 2013, dans le Grand-Etang de Miquelon. Etant donné son potentiel très envahissant et ses répercussions néfastes sur les écosystèmes indigènes, la DTAM a rapidement initié un partenariat avec DFO (Ministères des Pêches et Océans) Canada pour acquérir de la connaissance et déterminer les protocoles à mettre en place.

 

 

 

Retrait des pontons flottants par la DTAM avant la période hivernale. Présence d’EEE marines : Ciona intestinalis, Membranipora membranacea, Cryptosula pallasiana, Botryllus scholsseri, Botryllus violaceus, Caprella mutica, Schizoporella japonica (espèce détectée en 2022 dans le port de Saint-Pierre).  © DTAM – D. Koelsch

 

Depuis, le Crabe vert fait l’objet, de la part de la DTAM, d’un suivi rigoureux et d’un effort de détection précoce important. Les quelques crabes que l’on capturait les premières années se comptent aujourd’hui en centaines. En 2022, avec plus de 160 casiers, disposés par le service Biodiversité de la DTAM, en mer ou à l’intérieur de lagunes, ce sont 648 crabes qui ont été pêchés sur Miquelon et 506 sur Saint-Pierre (370 mâles pour 136 femelles). L’année 2023 devrait connaître une augmentation du trappage, qui est le seul moyen de lutte connu à l’heure actuelle, grâce à l’implication de nouveaux acteurs. La montée en puissance de la lutte contre le crabe vert doit se faire rapidement si l’on veut enrayer sa propagation pour protéger l’écosystème mais également le secteur économique qui est relié à l’activité de pêche.

 

Séneçon jacobée (Senecio vulgaris) dans la Forêt boréale de Langlade.                       © DTAM – D. Koelsch

Le Séneçon Jacobée, (Senecio vulgaris) est une plante herbacée, vivace, originaire d’Europe dont la consommation répétée peut être très toxique voire mortelle pour les animaux comme les chevaux ou les bovins, en s’attaquant à leur foie. Elle prospère rapidement depuis plusieurs années sur l’archipel et de manière difficilement contrôlable en raison de son mode de reproduction très efficace, par rhizomes ou par graines (150 000 par plante). Si au début on le trouvait principalement dans les zones urbanisées ou rudérales, son mode de reproduction et son adaptation à de nombreux habitats font qu’il est présent sur l’ensemble des îles et îlots de l’archipel et même dans les endroits reculés. Seules les tourbières semblent échapper, pour le moment, à son expansion. La lutte contre cette EEE s’effectue par fauchage et arrachage et regroupe des services de l’Etat, la Collectivité Territoriale, les deux mairies, plusieurs associations et de nombreux particuliers. Les efforts de lutte restent cependant insuffisants par rapport au potentiel d’expansion de la plante. La mise en place de programmes de recherche pour déterminer des moyens de lutte complémentaires, notamment biologiques et l’élaboration d’une gouvernance formalisée seront nécessaires pour gagner en efficacité et espérer contenir cette invasion.

Concernant les espèces exotiques envahissantes fauniques, une fois n’est pas coutume, je vais évoquer le cas d’une espèce dont on n’entend pas parler, le chat, et pour laquelle aucun suivi n’est réalisé. Son impact sur la faune et plus particulièrement sur les populations de passereaux, qui sont comme à l’échelon mondial en déclin, n’est pas mesuré et n’engendre de fait aucune mesure.

4) Les ENI marines sont au cœur de l’attention à Saint-Pierre et Miquelon, mais des actions sont-elles également conduites en milieux terrestres ?

Concernant le milieu terrestre plusieurs actions sont menées. Sur les espèces végétales, la DTAM procède à des contrôles phytosanitaires aux frontières et établit la liste des plantes exotiques envahissantes. Des campagnes d’arrachages sont organisées à proximité des axes routiers.

Concernant les espèces animales, plusieurs actions portent sur l’entomofaune. La DTAM effectue des interventions de piégeage quand l’identification d’insectes est assurée par un entomologiste local. Le service intervient aussi auprès des particuliers et des entreprises. En lien avec le Canada, elle réalise également l’identification de tiques, détermine la présence de pathogènes et effectue la collecte de moustiques pour la détection de virus, notamment celui du Nil occidental.

Les espèces introduites dans un but cynégétique font également l’objet d’interventions. Les populations de Cerf de Virginie, de Lièvre variable, de Lièvre arctique et de faisans sont suivies par la Fédération des chasseurs (FTC) et font l’objet de prélèvements. Les comptages de cerfs de Virginie effectués chaque année dans ce contexte, devraient, à partir de 2023, bénéficier d’un comptage complémentaire, plus précis, en lien avec les services de la DTAM et grâce à l’expertise de la Nouvelle-Calédonie, au moyen d’un drone thermique. Une collaboration étroite entre la FTC, la DTAM et les services vétérinaires, leur permet d’intervenir en cas de découverte suspecte sur un gibier blessé ou mort.

Des prélèvements sur des oiseaux afin de détecter le virus de la grippe aviaire sont par ailleurs régulièrement effectués par la DTAM. Concernant la régulation de rongeurs exotiques envahissants, ce sont les maries qui coordonnent des opérations de dératisation.

5) Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec vos voisins canadiens et dans quelles mesures cette coopération régionale constitue un renforcement face aux invasions biologiques ?

Notre positionnement géographique fait que la collaboration avec nos voisins canadiens est non seulement précieuse mais surtout indispensable. En effet, les espèces invasives ont pour la plus grande majorité été détectées en amont dans les provinces canadiennes. De plus, la présence de certaines espèces invasives dans notre archipel est imputée aux courants marins, aux mouvements des bateaux, aux transports de marchandises en provenance de ces mêmes provinces.

Le partenariat avec le Canada a permis la mise en place de protocoles communs afin de détecter puis de surveiller les EEE voire identifier les vecteurs de prolifération pour enfin déterminer des solutions limitant l’impact de ces dernières. Dans le cadre de ces échanges, Saint-Pierre et Miquelon fait partie du réseau IAS (Invasive Alien Species) regroupant les Canadiens et les Américains frontaliers.

Botryllus scholsseri sur collecteur.  © DTAM – D. Koelsch

Collecteur à tuniciers (action mise en place selon le protocole fourni par DFO Canada);  © DTAM – D. Koelsch.

Cette collaboration franco-canadienne permet également de bénéficier de formations et de participer à des programmes de recherche qui nous permettent de lutter plus efficacement contre les EEE.

 

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