A la rencontre de Vivien Louppe, Docteur en écologie évolutive

Vivien a soutenu sa thèse cet été “« Mobilité de l’homme et son impact sur l’environnement par l’étude de la dispersion et de l’adaptation des carnivores sauvages invasifs aux Antilles” » et a répondu à nos questions.

1) Vivien, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Vivien Louppe sur le terrain en Martinique              ©j-p_louppe

Je suis, depuis peu, docteur en écologie évolutive. J’ai réalisé mon doctorat sous la direction de Géraldine Veron, au sein de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité du Muséum National d’Histoire Naturelle.

2) Pouvez-vous nous parler de vos travaux ?

Mes travaux s’intéressent principalement aux espèces exotiques envahissantes. A travers une approche pluridisciplinaire, faisant appel à des techniques de modélisation de niche, de génétique des populations ou encore de morphométrie géométrique, j’essaye d’améliorer notre compréhension des mécanismes soutenant l’adaptation et la dispersion des espèces exotiques envahissantes. Je m’intéresse également aux conséquences de l’introduction d’espèces exotiques sur les écosystèmes natifs, mais aussi sur la morphologie de ces espèces, dans un contexte évolutif.
Ma thèse a porté sur l’étude de la dispersion et l’adaptation de deux carnivores sauvages envahissants dans les Caraïbes, le raton-laveur et la petite mangouste Indienne. Avec ma directrice et de nombreux collaborateurs, nous nous sommes intéressés à l’histoire de la dispersion de ces deux espèces, particulièrement dans la région des Caraïbes, ainsi qu’à l’influence de différents facteurs environnementaux sur leur distribution. Nous nous sommes également intéressés aux différences morphologiques des crânes chez les populations natives et introduites de petite mangouste Indienne.

3) D’après vous, dans quelles mesures les gestionnaires pourront s’appuyer sur vos travaux pour la mise en œuvre de leurs opérations de gestion de ces prédateurs ?

Nos modélisations de niche mettent en lumière les régions les plus à risque de voir se développer et se maintenir des populations envahissantes de raton-laveur et de petite mangouste Indienne, notamment en Europe où des populations introduites de ces deux espèces sont actuellement en expansion. Ces travaux, bien que n’ayant pas été développés dans ce but, peuvent ainsi appuyer certaines décisions de gestion, afin de cibler et d’optimiser les efforts et les moyens alloués pour limiter l’expansion de ces populations.

Dans les Caraïbes, nos travaux témoignent de l’ubiquité de ces deux espèces, capable d’évoluer dans la quasi-totalité des habitats de ces îles. Outre les connaissances sur l’écologie et l’activité de ces espèces dans ces environnements insulaires, nos études menées en Guadeloupe et Martinique témoignent des moyens et de l’effort nécessaires à la mise en œuvre des futurs travaux de terrain.

Nos travaux sur la génétique des populations nous ont également amené à développer de nouveaux marqueurs moléculaires pour la petite mangouste Indienne, et ont amélioré nos connaissances de la structure génétique des populations introduites et native de l’espèce. Ces données et ces outils moléculaires pourront ainsi être utilisés afin de retracer les origines de potentielles nouvelles introductions, dans le but de prévenir la dispersion de l’espèce, notamment dans les régions insulaires.

4) Pouvez-vous nous dire, d’après vous, vers quelles nouvelles perspectives de recherche cette thèse oriente-t-elle ?

Dans cette thèse, nous avons abordé trois grands axes de recherche : un premier dans lequel nous nous sommes intéressés à l’histoire de l’introduction de ces deux espèces à travers des analyses de génétique des populations ; un second portant sur l’étude de l’influence de l’environnement sur leur distribution à l’aide de technique de modélisation de niche ; et un troisième centré sur la petite mangouste Indienne et la variabilité morphologique du crâne au sein des différentes populations natives et introduites. Si ces travaux ont été pensés et menés afin d’offrir les résultats les plus complet possibles, chacun de ces axes de recherche pourra, à l’avenir, être approfondi. Nos analyses moléculaires pourraient ainsi bénéficier d’un échantillonnage plus exhaustif, notamment en région native en ce qui concerne la petite mangouste Indienne (à savoir les régions du Moyen-Orient et du nord de l’Inde, particulièrement difficiles d’accès), et de l’utilisation de d’avantage de marqueurs moléculaires. Nos travaux de terrains menés dans les Caraïbes témoignent de la nécessité de réaliser des études sur un plus long terme, avec des moyens plus importants. Ces travaux mettent également en évidence la nécessité d’améliorer nos connaissances quant aux conséquences et à l’impact réel des populations introduites de raton-laveurs et de petite mangouste Indienne sur les écosystèmes et la biodiversité autochtones dans les Caraïbes, mais aussi particulièrement en Europe, où des populations sont en expansion. Enfin, notre étude des variations morphologiques du crâne chez la petite mangouste Indienne peut également être poursuivie à travers l’ajout de nouveaux échantillons de régions insulaires qui ne sont pas encore représentées, mais, encore une fois, particulièrement des régions natives. Ce sont d’ailleurs des travaux dans lesquels nous souhaitons nous investir prochainement.

5) Vous avez sans doute été amené à vous déplacer dans les Antilles pour vos recherches, souhaitez-vous partager une expérience en particulier ?

Effectivement, j’ai eu le plaisir de passer près de 6 mois en Guadeloupe et Martinique, lors de mes campagnes de piégeage photographiques. Ça a été pour moi une opportunité unique de découvrir ces environnements et la nature de ces îles. J’ai également pu rencontrer les acteurs et gestionnaires de cette biodiversité, au Parc National de Guadeloupe, au Parc naturel régional de la Martinique, à l’OFB et l’ONF, et découvrir les différentes actions qui sont menées dans le but de préserver cette biodiversité. J’ai également pu prendre conscience de la tâche qui leur incombe. Mais malgré leurs efforts et leur dévouement, beaucoup reste à faire. Une chose m’a marqué quand j’ai débuté mon travail en Martinique. J’avais loué un logement sur la presqu’île de la Caravelle, et dès la première nuit, alors que le chant des grenouilles s’élevait, j’ai remarqué un chant que je ne m’attendais pas à entendre dans cette région du monde, celui du gecko tokay. Le gecko tokay est originaire du sud-est Asiatique. C’est l’un des plus imposants représentants de sa famille, pouvant atteindre plus d’une trentaine de centimètres. Il se nourri principalement d’arthropodes mais est également capable de se nourrir de reptiles, mammifères et oiseaux de petite taille. Le Gecko tokay est un des reptiles les plus appréciés des terrariophiles, ce qui est très probablement à l’origine de cette introduction. Cette population reste pour le moment restreinte à une petite partie de l’ile, mais cette introduction peut avoir un impact important pour la biodiversité de la Martinique, d’autant plus que la presqu’ile de la Caravelle est également le dernier refuge du moqueur gorge-blanche de l’île. Cet exemple rappel l’importance de la sensibilisation du grand public au risque que représente l’introduction d’espèces exotiques pour la biodiversité des écosystèmes natifs.

Raton-laveur (Procyon lotor) par piège photographique

Petite mangouste indienne (Urva auropunctata) par piège photographique

 

 

 

 

 

 

 

Visionnez la soutenance de la thèse de Vivien Louppe

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