Gestion de la Sonde à Cap Salomon pour la préservation des forêts du sud de la Martinique

QUELQUES PRECISIONS SUR LE CONTEXTE

Les végétations semi-xérophile et xéro-mésophile de basse altitude sont parmi les milieux naturels ayant le plus régressé en Martinique. Le sud de l’île abrite encore de tels milieux, qui restent cependant soumis à de nombreuses pressions tels que les risques de défrichement pour le développement urbain et agricole, la propagation de plantes exotiques envahissantes ou encore la prédation par les mammifères introduits.

Certaines parcelles concernées par ces enjeux sont la propriété du Conservatoire du littoral (CDL) et sont gérées par la Communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique (CAESM ou Espace Sud). Celle-ci pilote le plan d’action « Guide de conservation et d’intervention sur 6 sites propriétés du Conservatoire du Littoral », défini par les parties prenantes. Dans ce contexte, le Conservatoire botanique national de Martinique (CBNMq) a mis en œuvre le projet « Connaissance de la flore patrimoniale xéro-mésophile du Sud de la Martinique », afin d’appuyer l’Espace Sud dans la gestion de ces milieux naturels et pour répondre à ses objectifs d’amélioration des connaissances et de conservation de la flore de l’île. Un état des lieux de la végétation dans ces espaces a donc été réalisé dans le cadre de ce projet et a complété les informations issues des derniers inventaires des ZNIEFF des secteurs concernés et constitue désormais une base de réflexion quant aux mesures à mettre en place.

Sur l’ensemble des secteurs étudiés (Anse Maturin – Anse Bellay, Cap Salomon, Morne Larcher, Rocher du Diamant, Morne Aca – Pointe Borgnèse – Petite Poterie, Morne Champagne et Morne Jaqueline) entre mai 2019 et septembre 2020, 540 espèces ont été identifiées dont 86 % d’espèces indigènes. Ces prospections ont également mis en évidence la présence de 25 espèces exotiques envahissantes (d’après l’échelle d’invasibilité de C. Lavergne), dont les invasions les plus préoccupantes sont celles actuellement causées par la sonde (Tradescantia spathacea) à Cap Salomon et au Morne Aca et celle causée par Triphasia trifolia à Grand Macabou. C’est sur la première espèce citée que l’Espace Sud et ses partenaires ont décidé de concentrer la gestion.

Sur l’ensemble des secteurs étudiés (Anse Maturin – Anse Bellay, Cap Salomon, Morne Larcher, Rocher du Diamant, Morne Aca – Pointe Borgnèse – Petite Poterie, Morne Champagne et Morne Jaqueline) entre mai 2019 et septembre 2020, 540 espèces ont été identifiées dont 86 % d’espèces indigènes. Ces prospections ont également mis en évidence la présence de 25 espèces exotiques envahissantes (d’après l’échelle d’invasibilité de C. Lavergne), dont les invasions les plus préoccupantes sont celles actuellement causées par la Sonde (Tradescantia spathacea) (Fig.1) à Cap Salomon et au Morne Aca et celle causée par Triphasia trifolia à Grand Macabou. C’est sur la première espèce citée que l’Espace Sud et ses partenaires ont décidé de concentrer la gestion.

La Sonde

Figure 1 : Tradescantia spathacea © CBNMq – J.DE REVIERS

La Sonde a été introduite dans les Antilles et dans les îles du Pacifique durant le XIXème siècle pour l’ornement. C’est une plante herbacée vivace, sub-succulente, pouvant atteindre 20 cm de hauteur. Ses feuilles imbriquées de 20 à 35 cm de long et de 3 à 5 cm de large sont de couleur verte sur la face supérieure et violacée sur la face inférieure, la rendant facilement reconnaissable. Les fleurs sont hermaphrodites et la reproduction peut être sexuée ou végétative par fragmentation. Elle est adaptée aux climats secs et occupe des milieux ouverts ainsi que des sous-bois. La Sonde peut former des couverts denses monospécifiques et peut par conséquent empêcher la régénération des espèces indigènes. Tradescantia spathacea n’est pas réglementée en Martinique.

Pour en savoir plus

 

MISE EN OEUVRE DU CHANTIER DE GESTION

Délimitation du périmètre d’intervention

L’opération a été organisée par la CAESM en lien avec le CBNMq, le CDL, la DEAL, l’ONF et le RSMA (Régiment du service militaire adapté de la Martinique). L’ensemble des partenaires se sont réunis sur les sites du Morne Aca et de Cap Salomon le 9 novembre 2021 pour échanger sur les enjeux et préparer l’intervention. Suite à ces visites de terrain, le site de Cap Salomon (Carte 1) a été choisi pour ce chantier de gestion, car plus facile d’accès et plus sécurisé que le Morne Aca pour les opérateurs mobilisés. De plus, du fait de la localisation du site et de la fréquentation du sentier le traversant, les retombées en termes de sensibilisation auprès du grand public sur les enjeux de conservation de la flore et d’impacts des EEE, font de Cap Salomon un lieu tout indiqué pour la gestion de la Sonde. Cependant, les populations les plus denses de Tradescantia spathacea ont finalement été observées sur une parcelle privée, s’inscrivant dans la continuité écologique de celles appartenant au CDL (Carte 2). Cette configuration foncière a donc impliqué l’obtention de l’accord du propriétaire pour permettre le déroulement de l’opération.

Carte 1 : Localisation de Cap Salomon

Cap Salomon

L’inventaire réalisé par le CBNMq indique la présence de plusieurs espèces d’intérêt écologique et patrimonial qui font de Cap Salomon un site à enjeux forts pour leur conservation. Au total, sur ce site, 262 espèces végétales dont 226 indigènes comptabilisant 14 espèces endémiques du point chaud des îles de la Caraïbe et 9 espèces endémiques des Petites Antilles ont été recensées. Par exemple, Cynophalla hastata, en danger d’extinction (EN) d’après les premiers résultats de la liste rouge nationale de l’UICN, est présente sur ce site et sa principale menace est l’expansion de Tradescantia spathacea. Par ailleurs, des animaux d’élevage divagants ont également été observés et exercent une pression de prédation sur certaines espèces végétales telles que Crossopetalum rhacoma, également classé EN.

Carte 2 : Prospection réalisée le 9 novembre à Cap Salomon.
En jaune : surface prospectée
En bleu : espace du CDL
En orange : parcelles privées
Source : CAESM

Figure 2 : Population de sondes (Tradescantia spathacea) en sous-bois à Cap Salomon
© CBNMq – J.DEREVIERS

Figure 3 : Population de sondes (Tradescantia spathacea) le long du Sentier de Cap Salomon
© CBNMq – J.DEREVIERS

 

 

 

 

 

 

 

Le 17 novembre 2021, la brigade de l’environnement de l’Espace Sud s’est rendue sur le site afin d’effectuer des relevés GPS dans le but de cartographier les occurrences de Tradescantia Sapthacea et pour définir une méthodologie. L’objectif pour cette intervention était à court terme de freiner l’expansion de l’espèce pour protéger les forêts du Cap et à long terme, d’éliminer la pression qu’exerce cette espèce sur le site. L’Espace Sud, le RSMA et le CBNMq se sont à nouveau réunis le 2 décembre 2021 pour affiner le protocole et préciser la localisation de la Sonde à retirer. Il a été décidé d’effectuer l’arrachage de Tradescantia spathacea le long du sentier du côté de Grande Anse, secteur où l’espèce est présente en forte densité (Fig 2 et 3) et où la pente douce facilite l’accès aux opérateurs et l’acheminement des déchets issus de l’intervention (Carte 3 et 4).

Carte 3 et 4 : A gauche : Localisation de la Sonde et de la Langue de belle-mère le long du sentier de Cap Salomon.
A droite : Densité des populations de la Sonde dans le périmètre d’intervention
Source : CAESM

 

Coordination de l’intervention : l’ensemble des acteurs concernés impliqués

Le rôle de chaque acteur concerné a été défini dans le cadre d’une convention de partenariat :

Réalisation du chantier et méthode utilisée

Figure 4 : Opérateurs du RSMA lors de la première journée d’intervention
© CAESM-B.MANTAUX

Le chantier s’est déroulé sur près de deux journées les 21 et 22 mars 2022. Une rubalise permettait de délimiter le périmètre d’intervention et l’opération a débuté au niveau de la limite supérieure de propagation de la Sonde, localisée après le 1er embranchement du sentier (Carte 4) pour redescendre en pente douce.

Au total, 30 stagiaires du RSMA ont été mobilisés sur ces deux journées et ont bénéficié de l’appui technique et logistique de l’ONF, de la DEAL, de l’Espace Sud et de l’expertise scientifique du CBNMq.

 

Les opérateurs se sont positionnés en ligne, espacés les uns des autres d’une distance de 4-5 m afin pour arracher manuellement les pieds de Sonde à l’aide de gants, en progressant au même rythme le long du sentier et dans le sous-bois.

Les plantes retirées ont ensuite été stockées dans des sacs pour être transportées dans une benne jusqu’à la déchetterie du Robert, centre de valorisation en mesure de réceptionner des plantes exotiques envahissantes pour les traiter via la filière de compostage.

RESULTATS ET SUIVIS

Résultats techniques

Au total, 2 bennes de 9m3 et deux sacs big bag ont été remplis des déchets de sondes extraites. La deuxième journée d’intervention a été facilitée par l’expérience acquise par les opérateurs et les encadrants le premier jour. L’objectif d’arrachage de la plante dans le périmètre d’intervention a été atteint sur la zone accessible et espèce est encore présente sur la parcelle privée dans un secteur éloigné du sentier. Des réflexions quant à une opération complémentaire sont désormais en cours.

Figure 5 : Sous-bois à la fin du chantier de gestion
© CBNMq – J.DEREVIERS

Figure 6 : Sondes extraites et stockées dans la benne et les deux big bag
© CBNMq – J.DEREVIERS

 

 

 

 

 

 

 

 

Suivi à posteriori

Deux modes de suivi seront réalisés par l’Espace Sud :

  • un suivi scientifique : Une évaluation des densités de sondes a été réalisée avant l’opération pour permettre leur comparaison avec celles qui seront relevées lors des prospections à postériori. Pour ce suivi, 30 quadras de 5 m² ont été délimités le long de deux transects de 200 mètres chacun, soit 60 quadras au total, à l’intérieur desquels les pieds de Sonde ont été dénombrés. Les deux transects, parallèles et espacés d’environ 50 m, suivent la trajectoire du sentier, l’un bordant ce dernier, le second positionné dans le sous-bois (Carte 4).

Carte 4 : Densité de la Sonde relevée lors du suivi réalisé avant le chantier d’arrachage.
Source : CAESM

  • des prospections régulières associées à l’arrachage des repousses (en notant les quantités extraites) sur les zones d’occupation de la Sonde relevées avant le chantier  : dans un premier temps un passage aura lieu tous les trois mois puis la fréquence ralentira si une diminution des quantités de repousses est observée. En cas d’épuisement confirmé de l’espèce sur le site après 6 mois, seul le suivi scientifique aura lieu annuellement.
VALORISATION
QUELQUES MOTS POUR CONCLURE

Le contexte du site de Cap Salomon constituait un contexte intéressant en termes d’accessibilité, de densités de sondes pour une expérimentation de la gestion de cette espèce au travers d’une intervention coordonnée dans un objectif de préservation des milieux naturels et d’espèces à enjeux de conservation. Cette démarche constitue également une opportunité de sensibiliser le grand public à l’importance écologique et patrimoniale des forêts du Sud de la Martinique et aux risques liés à l’expansion des EEE telle que la Sonde.

Rédaction : Clara Singh (Comité français de l’UICN)

Relecture et contribution : Jeanne de Reviers , Conservatoire botanique national de Martinique

Pour en savoir plus :

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