A la rencontre d’Antoine Rouillé : Chargé de projet stratégie biosécurité des TAAF

Antoine Rouillé a répondu à nos questions afin d’aborder les enjeux liés à la biosécurité dans les TAAF, de nous parler de la stratégie sur laquelle il travaille et des mesures actuellement mises en œuvre pour empêcher les introductions d’espèces allochtones.

1) Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel poste occupez-vous ?

Bonjour, j’ai 34 ans, je suis ingénieur écologue et depuis juin 2020, je suis chargé de projet stratégie biosécurité au service de la collectivité des Terres australes et Antarctiques françaises (TAAF). J’ai pour formation initiale un parcours universitaire réalisé à la faculté de Rennes I (Master 2 Environnement-Droit). J’ai depuis exercé les postes de chargé d’études naturalistes en bureau d’étude, de responsable de pôle environnement en association et de chargé de mission biodiversité en administration centrale (DEAL de Mayotte). Ces postes successifs m’ont tous amené à traiter des EEE selon différents aspects (diagnostics écologiques, gestion des EEE en maîtrise d’ouvrage, chantiers de lutte bénévoles, mise en œuvre de réglementations locales et européennes…).

2) Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la biosécurité ?

Historiquement, la biosécurité est une notion vétérinaire qui désigne les mesures visant à réduire les risques de diffusion et de transmission de maladies infectieuses chez l’homme, l’animal et le végétal. En matière d’écologie, la biosécurité désigne l’ensemble de mesures préventives et réglementaires visant à réduire les risques d’introduction et de dissémination d’EEE dans les écosystèmes qui en sont exempts.

3) Quel est l’objectif de la stratégie biosécurité des TAAF ?

La stratégie biosécurité des TAAF est toujours à l’heure actuelle en cours d’élaboration. Son objectif à terme est de supprimer ou, tout du moins, de rendre acceptables les risques d’introduction et de dissémination d’espèces invasives dans les Terres australes françaises.

4) Comment procède-t-on à l’élaboration d’une stratégie biosécurité ?

Dans les TAAF en matière de biosécurité, l’approche stratégique repose sur 3 axes : l’intégration de toutes les parties prenantes dans le processus d’élaboration (tous les services TAAF et partenaires sont impliqués), la convergence des objectifs interservices (préservation du patrimoine naturel, santé-salubrité sur base, protection des infrastructures et des stocks,…), et le recours à une approche fondée sur la gestion de risque (méthode susceptible de fédérer autour de la maîtrise des risques).

La prise de conscience des liens cruciaux existant entre les activités humaines et la possibilité que des espèces dangereuses soient introduites dans les Terres australes françaises est au cœur de l’approche stratégique de la biosécurité dans les TAAF. L’effet de synergie généré entre les parties prenantes favorisera, je l’espère à terme, l’atteinte des objectifs ambitieux que s’est fixée la collectivité en matière de protection de ses territoires contre les invasions biologiques.

Marion Dufresne © A.Rouillé (TAAF)

5) Comment assure-t-on l’opérationnalité d’un document stratégique ? Comment assure-t-on sa pérennité ?

Pour rendre opérationnel un tel document de planification il est nécessaire que celui-ci acte la mise en œuvre de procédures de biosécurité précises. Dans le cadre de ces travaux, une procédure de biosécurité est définie comme un ensemble détaillé d’instructions permettant à un agent TAAF de limiter les risques d’introduction ou de dissémination d’espèces exotiques dans le cadre de son activité. Le projet de stratégie biosécurité des TAAF vise notamment à la constitution d’un référentiel de toutes les procédures devant être mises en œuvre dans le processus logistique des TAAF.

L’autre volet nécessaire à l’opérationnalité d’un tel document est l’organisation du dispositif de biosécurité. Il s’agit là de concevoir un mode de fonctionnement interne permettant d’assurer l’exécution systématique des procédures de biosécurité et d’en assurer le rapportage auprès de la direction via le comité biosécurité.

Un comité biosécurité impliquant l’ensemble des services des TAAF s’est réuni pour la première fois en février dernier. Cet organe de gouvernance interne placé sous autorité du Préfet administrateur supérieur des TAAF est aujourd’hui dédié à la gestion de la biosécurité. Il a vocation à être pérennisé lors de la conduite de la stratégie, une fois la phase d’élaboration achevée.

Nettoyage à quai des contenants embarqués © A. Rouillé (TAAF)

6) Quelles sont les mesures de biosécurité mises en œuvre et qui concernent-elles ?

Une cartographie de l’ensemble des mesures de biosécurité mises en œuvre à l’heure actuelle dans les TAAF a été réalisée lors de la phase d’évaluation des risques (phase préliminaire des travaux d’élaboration de la stratégie). Cette cartographie a permis de recenser la multiplicité des mesures aujourd’hui mises en œuvre : propreté du fret et du personnel en partance pour les districts austraux, nettoyage du matériel expédié d’un district à l’autre, règles de biosécurité existantes au sein même des districts pour lutter contre la dissémination de certaines EEE. Il s’agit d’un panel très diversifié de  mesures réglementaires, techniques ou de communication visant à la sécurisation d’autant de vecteurs d’introduction ou de dissémination. Un travail de coordination de l’ensemble du dispositif doit être mené pour rationaliser les procédures quand elles s’avèrent redondantes ou augmenter quand un risque non traité est au contraire identifié.

 

 

Concrètement, parmi les mesures de biosécurité les plus illustratives mises en œuvre par les TAAF, on peut citer la présence de SAS biosécurité à bord du Marion Dufresne et sur les bases des districts austraux, le piégeage mulispécifique réalisé à quai, à bord du navire ravitailleur et sur les bases, le nettoyage à quai des contenants avant leur embarquement, le renouvellement total du parc de contenants pour correspondre aux standards de biosécurité et la communication faite auprès des futurs agents envoyés sur les bases sur les règles de biosécurité applicables dès la réalisation de leurs bagages.

Nouveaux contenants TAAF répondant aux standards de biosécurité © A. Rouillé (TAAF)

Garde-rats déployés à quai sur les aussières du Marion Dufresne © A. Rouillé (TAAF)

7) Des espèces allochtones ont-elles déjà été détectées lors de l’application de ces mesures ? Si oui, pouvez-vous nous donner des exemples, des chiffres ?

Bien sûr ! Par exemple, à chaque « OP » (opération portuaire de ravitaillement des districts austraux français), des espèces exotiques envahissantes ou potentiellement envahissantes sont détectées à quai, au Port de la Réunion, grâce au dispositif déployé par les TAAF pour sécuriser leur fret. Des insectes, des araignées, des reptiles sont régulièrement interceptés grâce au dispositif de piégeage multispécifique développé et déployé par les agents biosécurité des TAAF. Le nettoyage des contenants au moment du chargement à bord du Marion Dufresne permet également de supprimer un grand nombre de semences anémochoriques.

Piège multispécifique déployé à quai © A.Rouillé (TAAF)

Exemple de semence anémochorique présente sur le fret TAAF avant nettoyage à quai © A.Rouillé (TAAF)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exemple des résultats du piégeage multispécifique réalisé à quai © A.Rouillé (TAAF)

Pour en savoir plus : https://taaf.fr/

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